Alimenter « Grâce à nos cinq robots, nos 230 vaches pâturent plus loin »
Agrandissement. Pour valoriser le potentiel herbager de leurs 350 hectares de terres, les trois associés du Gaec Laezh Ar Vro, à Plessé, en Loire-Atlantique, conduisent 230 vaches laitières en trois troupeaux pâturant chacun les prairies alentour. Une organisation qu’ils concilient avec cinq robots de traite.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Le Gaec Laezh Ar Vro reçoit chaque mois trois paies de lait : une pour chacun des troupeaux gérés sur trois sites dans un rayon d’un kilomètre. Un quatrième site à quatre kilomètres est consacré uniquement aux génisses. Cette organisation décentralisée s’explique par un agrandissement progressif mené avec la volonté de valoriser au mieux les îlots de pâturage, d’utiliser les bâtiments existants pour limiter les investissements, et d’éviter une trop grande concentration d’animaux vis-à-vis du risque sanitaire. Avantage annexe de ce système : pouvoir être facilement redécoupé en plusieurs exploitations si nécessaire, à l’occasion d’une transmission par exemple. « Ici, les sols sont hydromorphes : ce ne sont pas des terres à cultures. On obtient une meilleure régularitéavec la production d’herbe », déclare Gildas Trolard, l’un des trois associés. Le choix des prairies s’est aussi justifié avec la conversion à l’agriculture biologique décidée en 2001 à l’arrivée de Gildas. D’une part, la laiterie Colarena (aujourd’hui Agrial) cherchait des producteurs ; d’autre part, les conditions de l’installation imposaient la recherche de plus-value à défaut de moyens de production supplémentaires. Les deux frères et associés, Ludovic et Gildas Trolard, s’impliquent dans des responsabilités extérieures à l’exploitation (Cuma et conseil d’administration de Seenovia pour Ludovic, présidence du CERFrance 44 pour Gildas). Dès 2007, ils investissent dans deux robots pour être moins dépendants de l’astreinte de la traite ; la motivation vient aussi du troisième associé de l’époque, peu intéressé par la traite. Les éleveurs voient également la robotisation comme un moyen d’homogénéiser les pratiques et le suivi du troupeau.
Dans les années suivantes, tout en agrandissant de façon mesurée le site historique de l’exploitation familiale à la Clardais, désormais équipé de trois robots, les éleveurs installent deux autres robots sur les sites rejoignant le Gaec. Aujourd’hui, avec 46 vaches en moyenne par stalle, chaque robot dispose de 30 à 40 % de temps libre. Une fréquentation allégée permettant de valoriser le pâturage, et moins stressante pour les animaux et les éleveurs (en cas de panne notamment).
L’équivalent de deux hectares de chemins
En fonction des conditions climatiques et des ressources prairiales disponibles, ainsi que de l’organisation du travail, les éleveurs se donnent la possibilité d’exploiter l’herbe sous toutes ses formes : pâturage, ensilage, enrubannage, foin, affouragement en vert. Pour permettre cette souplesse, 80 % des prairies comprennent le même mélange, affiné au cours du temps dans l’objectif d’une exploitation mixte. Elles sont composées de ray-grass anglais diploïde et tétraploïde (18 kg/ha au semis), de fétuque des prés (4 kg/ha) et élevée (2 kg/ha), et de trèfles blancs nain, intermédiaire et géant (7 kg/ha). La taille des parcelles varie de 2,5 ha pour la plus petite à 11 ha pour la plus grande, éventuellement redécoupée à l’aide d’un fil si besoin. Les vaches séjournent entre deux et quatre jours sur une parcelle selon les cas. Concernant l’affouragement en vert, il a représenté 180 remorques en 2020 (soit 200 tonnes de matière sèche d’herbe) entre mi-mai et fin juillet, puis entre mi-octobre et fin novembre, soit un jour sur deux en moyenne sur l’année, pour trente minutes à une heure de travail à chaque fois en fonction de la distance et du rendement. La première période de pâturage s’étend de fin février à mi-juin environ. Sur le site principal, la part d’herbe pâturée dans la ration monte à 40 % (environ 50 ares/VL accessibles), à laquelle s’ajoutent 20 à 25 % d’affouragement en vert, et 35 à 40 % d’ensilage de maïs et d’herbe (à parts égales). Une vingtaine d’hectares sont accessibles directement depuis le bâtiment et permettent aux vaches de circuler librement. Sur le reste des prairies, l’intervention des éleveurs est nécessaire pour emmener et ramener les 135 vaches, voire leur faire traverser une route. « Nous avons des routes communales, ainsi qu’une départementale, à traverser sur tous nos sites, indique Gildas Trolard. Pour limiter au maximum la présence des vaches sur la chaussée, nous avons créé des chemins le long de certaines routes pour accéder aux prairies. L’exploitation compte l’équivalent de deux hectares de chemins. »
La traversée des routes peut demander jusqu’à trois personnes : cette contrainte influence parfois le choix d’affectation d’une prairie. Lorsque les vaches doivent être emmenées et ramenées, elles passent environ six heures par jour au pâturage, et sont traites au robot deux fois dans la journée. La nuit, elles sont affouragées en vert ou en fourrages conservés. Pour limiter le temps de traite au profit du temps de pâturage, les éleveurs veillent à ne pas choisir de taureau reproducteur détériorant ce critère.
Sur les deux autres sites comptant des vaches laitières, l’accès au pâturage plus important (environ 70 ares/VL) a permis d’offrir 100 % de pâturage pendant cinquante jours au printemps 2020. Les animaux ont en général accès aux prairies jour et nuit, et sont ramenés deux fois par jour au bâtiment pour passer au robot.
Une fin de carrière en douceur
« Comme le premier site, le deuxième fonc tionne comme un troupeau autonome, avec des génisses, des vaches pleines et taries, explique Gildas Trolard. En revanche, le troisième site ne compte que des vaches pleines issues du site principal, des vaches en fin de carrière ou ayant des problèmes de pattes. Cela nous évite d’avoir à y suivre la reproduction. Nous surveillons un peu moins, nous les laissons tranquilles. Avec 15 kg de lait produit par jour, elles sont encore rentables. Tant que le niveau sanitaire est acceptable, nous les gardons. »
C’est pourquoi le stade de lactation moyen sur ce site est de 10 à 12 mois avec une productivité moyenne de 24 kg/VL/jour, contre un stade moyen de 6 mois pour 28 à 29 kg/VL/jour sur les deux autres sites. Sur le troisième site, certaines vaches atteignent 600, voire 700 jours de lactation. Les éleveurs ont constaté que cette fin de carrière en douceur permet une meilleure finition des réformes, avec une note d’engraissement minimale de 3. Après la sécheresse estivale qui ne permet pas toujours de maintenir du pâturage, une deuxième saison automnale s’étale de mi-septembre à mi-novembre. La part d’herbe pâturée ne représente plus alors que 25 à 35 % de la ration, complétée par 50 à 60 % de fourrages conservés et de l’affouragement en vert. Pour la ration hivernale, deux mélangeuses sont préparées chaque jour à partir des silos groupés sur le site principal : la première distribuée sur place, la seconde pour les deux autres sites laitiers. Pour les associés du Gaec, la robotisation de la traite ne constitue pas un frein au pâturage, bien au contraire. « Quand nous allons chercher les vaches jusqu’à un kilomètre du bâtiment, cela demande trente minutes, déclare Gildas Trolard. C’est acceptable car nous n’enchaînons pas avec deux heures de traite. Physiquement, ce n’est paslemême travail. Ça ne nous gêne pas de marcher, nous emmenons même les vaches plus loin qu’auparavant. »
Le matin, les éleveurs ont gardé le même rythme : ils commencent la journée à 6 heures comme avant. Ils poussent au robot les 15 à 20 vaches pas encore traites, puis s’occupent du nettoyage des robots et logettes, et de l’alimentation des veaux. À 8-9 heures, ils emmènent le troupeau au pâturage jusqu’à 15 h. Au retour, l’écart maximal avec la traite précédente atteint dix-sept à dix-huit heures pour certaines.
Moins de travail physique, davantage de charge mentale
Sur la dernière campagne, les résultats techniques étaient au rendez-vous avec une production moyenne de 9 000 kg/VL, pour un TP de 31,5 g/l et un TB de 41,7 g/l. Si le système est globalement efficace, Gildas Trolard reconnaît que beaucoup de temps est consacré à observer la pousse de l’herbe, organiser le pâturage, manipuler les animaux. « Notre charge physique est moindre mais cela est compensé par davantage de charge mentale, estime-t-il. Il faut être nombreux, se répartir le travail chaque jour, avoir des chemins portants et des clôtures. En trois ans, nous avons planté 6 000 piquets pour rénover nos clôtures. Pour être autonomes, nous avons investi dans du matériel, comme une bétaillère et un parc de contention au champ, un épandeur à pendillard et un enfouisseur pour utiliser le lisier sur prairies, ou encore un groupe de fauche de neuf mètres de large. Du 15 avril au 31 mai, nos stocks se jouent sur la récolte de l’herbe et les semis de maïs : on ne doit pas se louper, les fenêtres de tir sont parfois étroites, il faut mettre les moyens même si cela augmente les charges de mécanisation. »
Nathalie TiersPour accéder à l'ensembles nos offres :